Par Arianne Harell
Avec son objectif, Mehdy Maxor immortalise l’essence de Saint-Barth entre tourisme de luxe et traditions locales héritées d’antan.
Amoureux de l’image, l’artiste cherche avant tout à raconter des histoires à travers ses clichés.
Vous avez sûrement vu ses photos : des femmes habillées en costumes traditionnelles, qui s’adonnent au train de vie luxueux de Saint-Barth. Exposées à l’aéroport, au Christopher et au Barthélemy, les photos de Mehdy Maxor sont devenues incontournables sur l’île. Une notoriété à mille lieux de ses débuts solitaires, où le photographe s’amusait avec les appareils photos de sa mère. Lorsqu’il découvre la photographie à l’adolescence, Mehdy voit en cet art le prolongement de sa curiosité. Pendant des heures, l’adolescent part en expédition pour photographier la flore et la faune de son île. « Ce que j’aimais bien, c’était ce côté exploration où je photographiais des choses que je trouvais intéressantes », retrace Mehdy. À la main, son appareil photo Canon 100D : le premier boitier qu’il obtient à l’âge de 16 ans, et qu’il n’a plus jamais lâché depuis. Autodidacte, Mehdy se forme sur le terrain en se donnant ses propres challenges pour progresser : « Par exemple, je m’imposais de photographier des paysages, mais avec une lumière spécifique. Ça oblige à travailler sur les réglages de l’appareil photo pour arriver au résultat escompté. » À l’époque, il n’est pas question de prendre en photo les humains, les paysages et les animaux suffissent. Mais en grandissant, Mehdy veut plus. Il est à la recherche d’émotion, de profondeur. Il se tourne alors vers ses proches pour faire des shootings. « C’était un challenge parce que je n’étais pas forcément quelqu’un qui allait vers les gens », confie l’artiste. Avec le temps, le photographe apprend à diriger ses modèles et à mettre des mots sur sa vision d’auteur.
“ Il y avait quelque chose à raconter de nos générations qui vivent entre deux mondes : le tourisme de luxe et les traditions locales”
À travers ses photos, Mehdy veut transmettre l’identité de Saint-Barth. Un défi de taille. « J’ai longtemps cherché parce que c’est difficile à résumer une culture locale à travers une seule photo », souligne-t-il. C’est dans la case de sa grand-mère qu’il trouve l’inspiration. Dans ce musée familial débordant de photos trône le portrait d’une de ses grandes tantes vêtue d’une robe traditionnelle de Saint-Barth. « La tenue traditionnelle, c’est le symbole de la culture locale », s’enthousiasme l’artiste. Pour sa première série intitulée Origins en 2017, le photographe redonne vie à ces costumes d’antan. Ces robes, prêtées par la Collectivité, sont de nouveau portées par des jeunes femmes de l’île dans des lieux emblématiques de Saint-Barth comme l’étang de Saline. « C’était pour imager cette époque que mes grands-parents ont connue », déclare le photographe. Mehdy a une exigence, que ses modèles soient des habitants de Saint-Barth. « Je voulais que ce soit des visages d’ici, parce que ce sont eux qui peuvent représenter au mieux la culture locale », insiste-t-il. À la fin d’un shooting de cette série, Mehdy a une révélation pour son prochain projet. Les modèles, encore habillés avec ces robes d’antan, s’installent sur leur quad, et scrollent sur leur téléphone, une cigarette à la main. Le contraste est frappant. « Il y avait quelque chose à raconter de nos générations qui vivent entre deux mondes : le tourisme de luxe et les traditions locales », explique l’auteur. Cette série qu’il nomme High Season, en référence à la haute saison touristique, capture l’âme de Saint-Barth. Des jeunes filles habillées en costumes traditionnelles flânent dans les rues commerçantes de Gustavia pour faire leur shopping, quand d’autres trinquent sur les transats de l’emblématique hôtel Eden Rock. Ces clichés, un brin provocateur, rapprochent ces deux mondes qui cohabitent sur ce petit caillou de 21 kilomètres carrés. Lors du vernissage de cette série exposée en 2021 à l’aéroport Rémy de Haenen, Mehdy est agréablement surpris par l’engouement du public : « Il y avait des métropolitains, des Saint-Barth, quelques touristes. C’était vraiment émouvant de voir ces personnes d’horizons différents se mélanger et observer ensemble la culture locale. »
Une créativité infinie
Plus qu’un projet esthétique, le travail de Mehdy invite au questionnement et au dialogue. « Je voulais imager ce sentiment de perte des traditions à Saint-Barth, ressenti par une partie de la population locale, précise le photographe. Mais il est possible de revisiter ces traditions et de les adapter à notre époque. » Pour le futur, celui qui a travaillé au comité du tourisme fait le pari d’un tourisme haut-de-gamme, auquel on aurait incorporé le patrimoine de l’île. Une réflexion qu’il a souhaité mettre en image à travers le deuxième volet de sa série High Season. Le photographe a exposé neuf clichés au sein de l’hôtel Le Barthélemy du 9 janvier au 31 mars 2025. On y retrouve sa marque de fabrique, les costumes traditionnels, intégrés avec légèreté dans des scènes de vie d’un quotidien opulent à Saint-Barth. En même temps que son œuvre, les goûts de Mehdy évoluent. « Avant, je pensais que j’aimais exclusivement la photographie, mais j’ai réalisé que ce qui me passionne réellement, c’est de raconter des histoires à travers les images », sourit le jeune homme âgé de 27 ans. Depuis quelques années, Mehdy s’essaie à la vidéo. Il est désormais tout aussi à l’aise avec ce média, c’est pourquoi il a monté en ce début d’année 2025 sa propre agence de communication. Il y propose des services de photographie et de vidéographie pour répondre aux besoins des entreprises sur Saint-Barth. Pour autant, Mehdy ne met de côté ses projets artistiques. Une nouvelle série de photos est en cours, mais cette fois, il n’est plus question de patrimoine. « Il faut savoir se renouveler, ajoute-t-il. Il y a un lien avec Saint-Barth, mais avec un thème plus universel. » Le natif de l’île travaille aussi sur la sortie d’un disque pour la fin de l’année 2025. Débordant de créativité, Mehdy n’a qu’une envie : continuer à partager des histoires.